La liberté religieuse menacée dans un pays sur trois dans le monde

Paris Notre-Dame du 22 avril 2021

Le 15e rapport bisannuel de l’Aide à l’Église en détresse (AED) sur la liberté religieuse dans le monde vient d’être publié. Il pointe du doigt la dégradation de l’accès à ce droit fondamental ces deux dernières années. Une régression exacerbée par la pandémie de la Covid-19.

Benoît de Blanpré, directeur de l’AED France, fondation pontificale créée en 1947 afin d’informer sur la situation des chrétiens et sur l’état de la liberté religieuse dans le monde, prier pour ceux qui souff0rent et soutenir financièrement les projets des Églises locales.
© AED

Paris Notre-Dame – Comment expliquer la dégradation notoire de la liberté religieuse dans le monde depuis 2018 ?

Benoît de Blanpré – Il y a deux ans, notre précédent rapport indiquait que la liberté religieuse était bafouée dans un pays sur cinq. On estime aujourd’hui qu’elle l’est dans un pays sur trois. La situation est particulièrement préoccupante en Afrique où près de la moitié des pays sont touchés. La première raison à cela est l’expansion du terrorisme islamiste en Afrique subsaharienne, au Nigéria, au Burkina Faso, entre autres, à travers des groupes terroristes locaux appuyés par Al-Qaïda et l’État islamique. Un autre point nous a beaucoup marqués dans cette étude : la crise sanitaire mondiale, qui, au cours de l’année 2020, a contribué à détériorer la situation des croyants. Ainsi, des gouvernements en Afrique se concentrant sur la résolution de la crise ont laissé le champ libre à des groupes djihadistes qui ont pu s’organiser, s’armer et déstabiliser les populations. À l’occasion de cette crise, on a pu voir aussi que, dans certains pays, les minorités religieuses n’avaient pas accès aux mêmes droits, au même soutien médical ou social que les majorités religieuses. C’est notamment le cas en Inde pour les minorités chrétiennes et musulmanes. Un autre point attire notre attention, et la Chine en est un exemple flagrant, c’est le développement de la surveillance de masse fondée sur l’intelligence artificielle. On dit qu’aujourd’hui en Chine il y a plus de 626 millions de caméras de surveillance couplées avec un système de reconnaissance faciale. Dans un pays où chaque citoyen est noté en fonction de son comportement, où la question de la religion est très sensible, le fait d’être pratiquant peut entraîner une discrimination. Ce qui se fait en Chine pourrait se faire ailleurs. Je pense que les gouvernements doivent être très attentifs à ce sujet-là.

P. N.-D. – Ce rapport est publié tous les deux ans depuis 1999. Avez-vous l’impression d’être entendu par la communauté internationale ?

B. B. – En tout cas, il est de notre devoir de faire connaître ces atteintes à la liberté religieuse. La première mission de l’AED est une mission d’information. Faire connaître la situation des chrétiens, mais aussi de toutes les religions dans le monde, car la liberté religieuse est un droit fondamental de la personne humaine, inscrite dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. À chacun ensuite de s’emparer du sujet. Notre part est d’étudier et de dire, de dénoncer, de protéger afin que tout cela contribue au débat et permette de faire évoluer la situation. Ne pas respecter la liberté religieuse, c’est fondamentalement ne pas respecter la personne humaine elle-même.

P. N.-D. – Comment voyez-vous l’évolution de cette liberté religieuse dans les années à venir ?

B. B. – À vue humaine, le rapport le montre, il y a beaucoup de raisons d’être pessimiste. Mais toujours à vue humaine, il y a aussi de belles avancées. Le pape François a beaucoup fait pour le dialogue inter-religieux au cours des dernières années. Et puis, plus profondément, il y a ce qu’on appelle l’espérance, qui n’est pas l’espoir de meilleurs lendemains, mais qui consiste à croire que malgré toutes ces situations difficiles, Dieu est à nos côtés. C’est aussi une des missions de l’AED de témoigner de cette espérance magnifique. Chaque jour, des milliers de chrétiens, malgré les difficultés, disent que l’espérance ne trompe pas, que malgré les persécutions, le Bon Dieu prend soin d’eux. Enfin, je vois aussi l’immense générosité qui se déploie à travers nos bienfaiteurs pour soutenir les chrétiens persécutés dans le monde. Chacun selon ses capacités, à sa mesure. Et cela aussi, c’est très beau.

Propos recueillis par Priscilia de Selve @Sarran39

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