Messe anniversaire de la mort du Cardinal Jean-Marie Lustiger - Homélie de Mgr Jean-Yves Nahmias, évêque auxiliaire de Paris

Cathédrale Notre Dame de Paris - 5 août 2012

Le cardinal Jean-Marie Lustiger : une adhésion libre et totale au choix de Dieu.

 Lecture du livre de l’Exode (Ex 16, 2-4.12-15)
 Psaume : 77, 3.4ac, 23-24, 25.52a.54a
 Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Ephésiens (Ep 4, 17.20-24 )
 Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 6, 24-40)

Le Cardinal Jean-Marie Lustiger : une adhésion libre et totale au choix de Dieu

« La volonté de mon Père, c’est que tout homme qui voit le Fils et croit en Lui obtienne la vie éternelle et moi, je le ressusciterai au dernier jour » (Jn 6, 40).

Mes amis, c’est cette certitude de la foi qui nous rassemble ce soir : dans le Christ, Dieu le Père nous appelle à la vie, à la vie éternelle.

Le Cardinal Jean-Marie Lustiger était habité au plus profond de lui-même par cette espérance, espérance renouvelée chaque jour par le don de lui-même. En ce jour où nous faisons mémoire devant Dieu de cet apôtre vigoureux, nous pourrions rappeler les multiples visages de sa riche personnalité, nous pourrions aussi mettre en valeur la pertinence de son jugement et de son sens de l’Histoire. Nous pourrions enfin évoquer ses nombreuses initiatives pastorales et missionnaires. Initiatives qui depuis son départ il y a 5 ans, ne cessent de déployer leur fécondité et manifester leurs justesses apostoliques pour le monde d’aujourd’hui.

Plus simplement, je voudrais mettre en valeur ce qui me semble la source de tout cela, comme son fondement : c’est-à-dire sa foi, sa foi au Christ. Vous me direz quoi d’extraordinaire qu’un prêtre, qu’un évêque ait la foi ?

Pourquoi en parler ?

Personnellement, j’ai toujours été impressionné à ses côtés, non pas d’abord par sa forte personnalité que tout le monde reconnait comme ample et riche, mais par sa foi. Une foi qui avait saisi toute sa vie et qui guidait ses choix et son travail pastoral.

Sa volonté, non pas d’inscrire ses actions dans un programme personnel mais comme le dit l’Évangile d’aujourd’hui, de participer à « l’œuvre de Dieu » (Jn 6, 29). C’est-à-dire en posant dans l’action des actes de foi afin de servir la connaissance intime du Christ lui l’envoyé de Dieu. Cette radicalité d’une vie totalement saisie par la foi pouvait faire un peu peur mais l’exemple donné était une invitation pressante à entrer soi-même dans ce même dynamisme de vie et de fécondité. C’est pourquoi on sentait sa grande proximité, sa grande joie, lors des pèlerinages ou des dévotions populaires. On le sentait aimer ces instants simples de foi partagée. Oui il aimait ces moments où s’exprimait visiblement notre commune dignité de croyants.

Mais il nous faut éviter un malentendu qui serait tragique. Le Cardinal Jean-Marie LUSTIGER était un homme très volontaire, très décidé : pour autant, il rappelait avec force que la foi est d’abord un don de Dieu, comme nous le révèle l’Évangile de ce soir « l’œuvre de Dieu, c’est que vous croyez en celui qu’Il a envoyé » (Jn 6, 29). Le secret de notre identité de croyant, c’est le « choix de Dieu », un choix libre et gratuit.

A la racine de notre histoire personnelle avec Dieu, il y a « le choix de Dieu », un choix qui fonde notre dignité, qui dit notre vocation et notre mission. Sa vive perception du « choix de Dieu » provient sans doute de son intimité spirituelle avec le Seigneur, mais certainement aussi est-ce le fruit de sa compréhension intime du mystère d’Israël, de la vocation du peuple élu, choisi pour être parmi les nations, signe de la présence du vrai Dieu, le Dieu vivant.

« C’est le Christ qui t’a choisi ». C’est avec ce langage direct qu’il parlait par exemple aux jeunes parisiens réunis à Denver pour les JMJ de 1993 [1].

Il les invitait à quitter tout déterminisme familial, sociologique pour comprendre pourquoi ils étaient chrétiens. Je me permets de citer ses paroles car elles s’adressent à chacun d’entre nous. « Tu es là parce que le Seigneur tout-puissant, le Créateur mon Père et votre Père des Cieux, a voulu, dès avant la création du monde, que des hommes, des femmes, si semblables aux autres, soient en ce monde les frères et les sœurs du Christ. Autrement dit, être chrétien, être membre de l’Église, ce n’est pas seulement ni d’abord le fruit d’une conviction, ni la conséquence d’une appartenance au sens ethnique, tribal (nation, famille…) c’est le signe d’un appel de Dieu, une grâce gratuite ».

Et il insistait en ajoutant : « aucun de nous ne peut dire que c’est lui qui a choisi Dieu, c’est Dieu qui nous a choisis. Aucun de nous ne peut dire qu’il s’est déterminé à recevoir l’amour de Dieu. Ce n’est pas nous qui faisons une grâce à Dieu en L’aimant, c’est Lui qui nous comble en nous révélant qu’Il nous aime et en nous appelant à L’aimer ».

Pour qu’il n’y ait aucune méprise il précisait encore : « Il ne dépend pas de nous de devenir ou ne pas devenir enfants de Dieu. Même celui qui pense l’avoir choisi, même celui qui a posé l’acte le plus libre du monde en disant à Dieu : ‘Oui, Seigneur, me voici. Fais de moi ce que Tu veux. Oui, Seigneur, je veux T’aimer’, même celui-là qui pense avoir entre ses mains l’initiative de sa réponse, a d’abord été porté, choisi, saisi par Dieu. »

Ainsi, mes amis, « le point commun [qui nous rassemble] : c’est l’amour gratuit de Dieu ». Et c’est pourquoi nous sommes le peuple de Dieu, le peuple que Dieu s’est acquis par la croix du Christ ». Face à l’amour de Dieu, il y a la réponse libre de l’homme. La foi est toujours un acte de la liberté. L’amour appelle l’amour. L’amour gratuit de Dieu suscite l’engagement de toute notre personne. Mais il ne faut pas voir l’engagement de notre liberté comme une altérité qui se poserait face à Dieu, mais comme l’accueil de sa miséricorde qui fait de nous, dans le Christ, une créature nouvelle.

Le Cardinal Jean-Marie Lustiger s’est engagé résolument « à la suite du Christ » en se livrant à Lui par l’écoute fidèle de Sa parole. Il l’a fait en homme libre, offrant à Dieu toute sa personne, son histoire, son tempérament, son intelligence.

Mes amis aujourd’hui, nous sommes rassemblés dans la reconnaissance, l’action de grâce pour « l’œuvre de Dieu » accompli par le travail apostolique du Cardinal Jean-Marie LUSTIGER dans le diocèse de Paris et en France. Une manière d’être fidèle à ce que nous avons reçu de Lui est de nous laisser toucher par son témoignage. Mes amis, son exemple est un puissant stimulant pour chacun d’entre nous quelque soit notre état de vie, notre vocation.

Nous allons entrer dans quelques semaines, dans l’année de la foi, année que le Pape Benoît XVI offre à l’Église pour que nous soyons tous et chacun renouvelés dans notre foi et notre adhésion à la personne du Christ. Mes amis, que la figure de l’apôtre Aaron Jean-Marie Lustiger nous porte, nous soutienne pour nous engager, pour nous livrer nous aussi, sans réserve à l’amour du Christ, pour nous remettre à Dieu en pleine liberté [2].

Amen

+ Jean-Yves NAHMIAS
Évêque Auxiliaire de Paris

Et aussi…

 Relire l’homélie de Mgr André Vingt-Trois pour les funérailles du cardinal Jean-Marie Lustiger le 9 août 2007.
 Lire l’interview de Jean-Yves Fischbach, réalisateur du documentaire “Aron Jean-Marie Lustiger”.
 Plus d’informations sur le cardinal Jean-Marie Lustiger sur www.institutlustiger.fr

[1cf Cardinal Jean-Marie Lustiger, catéchèse aux JMJ de Denvers – 13 août 1993 –Institut Jean-Marie Lustiger http://www.institutlustiger.fr/

[2Chacun aura profit à méditer au cours de cette « année de la Foi » les homélies du Cardinal Jean-Marie Lustiger. Vous pouvez consulter l’index thématique constitué par l’Institut Jean-Marie Lustiger (http://www.institutlustiger.fr/)

Cardinal Jean-Marie Lustiger