Lire, écouter, revoir la première Conférence de Carême 2010

Conférence donnée le dimanche 21 février par Mgr Éric de Moulins-Beaufort sur le thème "Vatican II : ancien ou moderne ?".

Introduction

Vatican II : pour « un nouvel âge de l’histoire humaine » (Gaudium et Spes 54).

Il s’agit, dans cette étape programmatique, de situer le Concile dans l’histoire comme un geste inspiré de révélation des enjeux évangéliques de la modernité, comme le comprirent Jean XXIII, Paul VI et les Pères conciliaires. La modernité n’est pas d’abord pour eux un temps de bouleversements et de crises, mais un temps où la chance est donnée au monde de mieux percevoir l’Évangile. Car la vraie fidélité est toujours innovante – il suffit d’observer les actes et les paroles de Jésus pour le comprendre – et le message du Christ essentiellement moderne.

Biographie de Mgr Éric de Moulins-Beaufort

Mgr. Eric de Moulins-Beaufort est né en 1962. Après des études de Sciences politiques (IEP de Paris) et de sciences économiques, il entre au Séminaire de Paris. Sa formation théologique le conduit à Bruxelles (Institut d’Etudes Théologiques) et Rome (Université Grégorienne). En 2000, il obtient un doctorat en théologie à l’Institut Catholique de Toulouse. Ordonné prêtre en juin 1991, il est nommé directeur au Séminaire de Paris et enseignant à la Faculté Notre-Dame et à l’Ecole Cathédrale, tout en étant aumônier du lycée Montaigne puis du lycée Louis-le-Grand. En 2000 il devient curé de St-Paul-St-Louis (Paris 4e), puis, en 2005, secrétaire particulier de l’Archevêque de Paris, le cardinal André Vingt-Trois. En 2008, il est nommé évêque auxiliaire de Paris. Outre sa charge d’évêque auxiliaire et de vicaire général du diocèse de Paris, il enseigne actuellement dans le cadre du séminaire « Un théologien : Henri de Lubac » à la Faculté Notre-Dame.

« Vatican II : ancien ou moderne ? »

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Le texte des conférences sera publié chez Parole et Silence : sortie du livre le 28 mars 2010.

« Vatican II : ancien ou moderne ? »

Un regard nouveau.

Le pape Jean XXIII avait été très marqué par la mort. Ayant commencé sa vie sacerdotale comme secrétaire du nouvel évêque de Bergame, le très brillant, très prometteur, Mgr Radini Tedeschi, il avait vu celui-ci être subitement malade et mourir, âgé d’à peine plus de cinquante ans. A partir du moment où lui-même atteignit cet âge, il a considéré chaque étape de sa vie comme la dernière. Il le note très sereinement dans son Journal de l’âme où il recueillait ses méditations de retraite. Il devient pourtant délégué apostolique en Turquie, nonce à Paris, patriarche de Venise. Mais lorsqu’il est élu pape, alors, toutes les allusions à la mort cessent. Il n’écrit plus qu’il a devant lui quelques années pour se préparer à la rencontre de Dieu. Désormais, il n’a plus à se demander quand et comment il lui faudra se retirer, il a reçu une mission, il doit la remplir jusqu’au bout. Il n’est plus un particulier qui se prépare humblement à rendre compte de son action à Dieu : ce qu’il vit concerne l’Église entière.
C’est dans cet état d’esprit qu’il convoque le Concile. Et très explicitement, il ne veut pas que celui-ci jette un regard de vieil homme caduc sur l’état du monde. Il veut que le Concile exprime ce qu’il appelle depuis très longtemps, reprenant une formule de saint Irénée de Lyon, la « jeunesse éternelle de l’Église ».

On a parlé de l’optimisme du concile Vatican II, on l’a moqué parfois. On dit, on écrit que ses textes portent la marque d’une certaine naïveté. Si l’on veut y comprendre quelque chose, il vaut mieux se défaire de ce genre de préjugés. Ce concile n’est pas pessimiste, assurément ; il n’est pas davantage optimiste. Son regard tout au contraire se veut pleinement lucide : il veut voir et donner à voir que Dieu est à l’œuvre dans l’histoire et que son œuvre est portée par la puissance victorieuse du Ressuscité. Ce n’est donc pas l’air du temps qui commande ce regard, c’est la foi. Jean XXIII était profondément habité de cette vue de foi, il l’avait cultivée au long de sa vie ; devenu successeur de l’apôtre Pierre, il a partagé cette vue de foi à l’Église entière et l’a offerte à tous les hommes de bonne volonté.
On dit volontiers de Vatican II qu’il ne fut pas un concile dogmatique mais un concile pastoral et certains en tirent toutes sortes de conséquences pratiques. Un concile est toujours un événement très particulier. Des hommes, - car il n’y a pas de femmes parmi eux -, se réunissent non pour confronter leurs idées et se mettre d’accord par une série de compromis, payés par des concessions réciproques, mais pour chercher ce qui les unit plus profondément et plus réellement que tout ce qui les différencie comme manières de parler, d’agir, de célébrer… Bien sûr : les méthodes de discussion sont les mêmes que dans un parlement ou quelque assemblée politique que l’on veut, les techniques employées pour emporter la conviction des autres sont les mêmes, les stratégies visant à attirer de son côté les éléments plus influençables des autres camps sont les mêmes. Mais l’objet de fond est tout autre : même si les conciles ont presque toujours pris aussi des dispositions pratiques ou disciplinaires qui ont déterminé la vie concrète de l’Église et des communautés chrétiennes, l’essentiel y est de chercher à dire le plus clairement, le plus nettement, le plus exactement possible, le contenu de la foi, ce qui concerne Dieu qui est ineffable pourtant et son action en faveur des hommes dont il faut simultanément confesser qu’elle échappe à nos prises. C’est pourquoi l’effet d’un concile est rarement celui qui était attendu. La portée de son enseignement peut échapper au premier regard.

Lorsque Jean XXIII a été élu, des cardinaux sont venus très vite lui suggérer de réunir un concile. Dans l’esprit de certains, il s’agissait de finir Vatican I que la guerre franco-allemande et la prise de Rome par le royaume d’Italie avait interrompu ; pour d’autres, il était urgent de condamner les erreurs du modernisme. Qu’est-ce que le modernisme ? Un ensemble de courants, de réflexions, d’auteurs, qu’il est difficile de cerner tout à fait, un état d’esprit, disons, qui consiste à inscrire toutes les réalités dans la prise de conscience de l’évolution historique. Le risque est alors de perdre de vue toute transcendance, toute absoluité de quelque vérité que ce soit, toute affirmation étant surtout dépendante de ses conditions d’énonciation. Dans une telle vue des choses, quelle place reste-t-il pour une révélation venue d’en haut ? Quelle possibilité d’accueillir une vérité sur celui qui est l’Éternel, quelle consistance pourrait avoir un acte de foi qui serait le même à l’époque du sommet de l’empire romain comme à celle du tourisme de masse ? Mais Jean XXIII ne voulait pas d’une somme de condamnations. Il voulait avant tout que le Concile soit une joyeuse proclamation de la Bonne Nouvelle du salut à tous les hommes. Il n’en connaissait pas moins le danger de corrosion que l’état d’esprit que nourrit le modernisme exerce sur l’intelligence et la conscience des croyants. Sa longue vie lui en avait fait vivre les différentes étapes tout autant que son intérêt personnel pour l’histoire. Seulement, pour lui, le Concile devait être la manifestation de la joie de l’Église de connaître le Christ et d’avoir à le faire connaître aux hommes, à tous les hommes. Le Concile devait être pastoral en ce qu’il devait exprimer la conscience de l’Église d’être envoyée à l’humanité entière pour la conduire vers le Christ, seul Pasteur.
« Pastoral » ne veut pas dire simplement pratique, organisationnel, tourné vers l’action immédiate. « Pastoral » veut traduire le regard du Bon Pasteur et sa manière d’aller vers ses brebis en livrant sa vie pour elles. Dans son discours d’ouverture du Concile, le 11 octobre 1962, Jean XXIII exalte la joie de l’Église, vécue selon lui en chacun des vingt conciles précédents, de voir l’unité des pasteurs visibles de l’Église rendre témoignage à l’unique Bon Pasteur de nos âmes, le Christ Seigneur. C’est donc un regard nouveau et ancien que le concile fut invité à porter sur le monde. Ancien parce que le Bon Pasteur est à l’œuvre depuis toujours, nouveau parce qu’il s’agissait de dire cette action, de se la dire entre chrétiens pour s’y conformer de mieux en mieux et de la proclamer devant les hommes, non plus en tel point particulier mais dans toute son ampleur, de façon à faire briller devant eux l’espérance que le Christ ouvre, afin aussi de fortifier l’engagement de l’Église en chacun de ses membres à servir mieux cette espérance pour tous.

Une destinée unique de l’humanité.

Les premiers jours du concile Vatican II furent marqués par quelques événements imprévus. Tout avait été bien préparé et en moins de trois ans, ce dont Jean XXIII se réjouissait beaucoup parce que, entre l’annonce du premier concile du Vatican et l’ouverture de celui-ci, six années s’étaient écoulées. Soixante-dix textes étaient soumis aux Pères conciliaires, certains très élaborés, d’autres, il faut le dire, juste ébauchés. L’organisation du travail avait été définie. Mais dès le deuxième jour, tout alla de travers : les Pères refusèrent d’approuver en bloc leur répartition en commissions telle qu’elle avait été prévue : ils réclamaient un peu de temps pour apprendre à se connaître ; surtout, une forte majorité manifesta son insatisfaction devant le nombre, la construction et le ton des textes proposés. Ceux qui espéraient un concile rapide, bouclé en quelques semaines, approuvant avec quelques améliorations des textes rédigés par les théologiens habituels de la curie romaine et acceptés par le Pape, comprirent que les choses ne se passeraient pas ainsi. De fait, il y eut tout un temps de flottement : comment reprendre toute la matière prévue et l’organiser de façon plus cohérente ? Quel ton adopter, à qui voulait-on parler et de quelle manière, et en vue de quoi ?
Les péripéties furent nombreuses. La crise fut dénouée par l’intervention du cardinal Suenens, alors archevêque de Malines-Bruxelles, soutenu par le cardinal Montini, archevêque de Milan, homme très considéré déjà. Suenens proposa de tout reprendre en deux volets : l’Église ad intra, l’Église en elle-même et se présentant à elle-même pour mieux se comprendre et se réformer ; l’Église ad extra, l’Église dans ses relations au monde sous leurs diverses modalités et l’Église se présentant au monde. Il y a là certainement une clef pour comprendre la cohérence des quatre constitutions, neuf décrets, trois déclarations et deux messages produits au cours des quatre sessions qui eurent lieu entre le 11 octobre 1962 et le 8 décembre 1965. Lorsque le pape Jean-Paul II a réuni un synode des évêques pour célébrer les vingt ans de la conclusion du concile Vatican II, les Pères synodaux se sont accordés pour récapituler l’apport de celui-ci dans la notion de « communion ». Ce mot dit tout à la fois l’unité et la liberté, alors que, dans les entreprises humaines, trop souvent, unité et liberté sont dans un rapport dialectique où l’une contrecarre l’autre. « Communion » dit aussi le don que Dieu seul peut donner aux hommes pécheurs, le don de vivre dans l’unité d’un même amour en recevant le pardon et la guérison et une capacité nouvelle d’aimer par l’amour de Dieu lui-même répandu en eux. Ce mot dit encore l’espoir de tant de réalités humaines toutes simples et décisives : la famille, la patrie, la rencontre d’autrui. A cette lumière, je vous propose de comprendre l’intuition d’ensemble du Concile comme une affirmation plus simple et plus décisive : il y a une destinée unique de l’humanité, si diverse soit celle-ci et étalée dans l’espace et plus encore dans le temps ; dans la marche au long de cette destinée, tous les hommes se tiennent les uns les autres, à travers l’espace et même le temps ; cette destinée est divine et l’Église, en sa structure précise, est la forme que Dieu donne à l’humanité pour qu’elle entre dans sa destinée.

L’attention à la destinée de l’humanité entière me semble appelée par la référence aux « signes des temps ». Jean XXIII avait employé cette formule pour souligner que des changements nombreux s’étaient produits dans la vie humaine, changements dont l’Église devait tenir compte pour annoncer l’Évangile. Pour le pape, l’attention aux « signes des temps » n’était pas une sorte d’amélioration facultative de l’activité de l’Église mais une nécessité intrinsèque de sa mission, un devoir qui lui venait de son « éternelle jeunesse ». C’est dans l’évangile selon saint Matthieu, au chapitre 16, verset 4, que Jésus emploie cette expression : « Ainsi, le visage du ciel, vous l’interprétez bien, et pour les signes des temps vous n’en êtes pas capables ! Génération mauvaise et adultère ! Elle réclame un signe, et de signe, il ne lui sera donné que le signe de Jonas. »
On a ironisé parfois sur ces fameux « signes des temps ». On a pu souligner qu’ils ont dans la bouche du Seigneur Jésus une saveur eschatologique forte : ils annoncent les temps ultimes, le moment du jugement, tandis qu’il a pu sembler que leur usage par le pape Jean XXIII et par le Concile lui-même visait surtout à adapter l’Église en vue de la rendre mieux acceptable dans un monde qui s’éloigne d’elle ou qui ne la connaît pas. Mais c’est là précisément que se joue la tension eschatologique la plus forte. Scruter les signes des temps ne consiste pas à chercher les annonces de la fin de l’histoire : prévoir des catastrophes n’a rien d’exceptionnel. Interpréter les signes des temps, c’est discerner ce qui indique l’action de Dieu qui, dans l’histoire, travaille à conduire les hommes au-delà de l’histoire et qui, par le Christ ressuscité a acquis, si l’on peut ainsi parler, le droit d’agir au plus radical de chaque homme au-delà de toute frontière. C’est donc, pour l’Église, consentir à « recevoir de l’histoire et de l’évolution du genre humain », selon ce qu’affirme la constitution Gaudium et Spes (n°44). Car les signes des temps, dans la bouche du Seigneur Jésus, sont pour les membres du peuple de Dieu. Le signe de Jonas est donné à Israël et il est double : les trois jours et trois nuits du prophète dans l’abîme, sans doute, et aussi la conversion des Ninivites, habitants de la grande cité païenne. Mais alors, comment trouver des signes des temps dans le XXème siècle où, en même temps que se produisait par deux fois le déchaînement le plus organisé de la violence que l’humanité ait connu, s’affermissait le projet de construire une société d’abondance et de paix. Dans une telle société, les hommes peuvent-ils voir encore une tâche qui dépasse leurs désirs conscients ? Une humanité qui acquiert les moyens de se produire elle-même peut-elle s’ouvrir au pardon et au don de Dieu ou bien se durcit-elle contre lui de toutes ses forces les plus généreuses ?

On trouve dans les textes conciliaires plusieurs formulations des signes des temps (GS 4) mais on peut les ramener à trois principaux : l’unité, la liberté, l’efficacité de l’activité humaine.
L’unité est celui sur lequel le Concile insiste le plus. On en trouve une mention dès le premier numéro de la constitution Lumen gentium sur l’Église, celle qui se trouve placée en tête de tous les documents. Le Concile fait le constat que les hommes sont « désormais plus étroitement unis entre eux par les liens sociaux, techniques, culturels ». Déjà, ce que nous appelons la « mondialisation » ou la « globalisation » était à l’œuvre : malgré la division du monde en deux blocs idéologiques opposés, les évolutions techniques paraissaient conduire inéluctablement à une interdépendance entre les hommes jamais connue ni même imaginée jusque-là. En y voyant un signe des temps, le Concile ne se contente pas d’enregistrer un fait matériel : il reconnaît une aspiration de l’humanité. Il ne néglige pas les facteurs de division, d’incompréhension, de haine même qui jouent dans l’histoire des hommes et qui ne manquaient pas en ces années 60. Il comprend qu’une étape nouvelle de l’histoire de l’humanité se joue : l’unité de l’humanité n’est plus seulement la vue de foi qui a depuis le XVIIème siècle et au long des XIXème et XXème siècles jetés des jeunes gens, hommes et femmes, par milliers dans l’aventure extraordinaire de partir à la rencontre des peuples les plus éloignés pour leur annoncer le Christ ; elle devient une réalité palpable, quotidienne, une tâche humaine. Il en résulte un double défi pour l’Église : ad extra, aider les hommes à ne pas se contenter d’une unité matérielle que la standardisation des techniques et l’unification des cultures pourraient produire mais à viser toujours l’unité des libertés que seul le Christ peut procurer ; ad intra, que l’Église soit elle-même le signe le plus limpide de l’unité dans laquelle son Seigneur veut rassembler les hommes.
Le deuxième signe des temps est la liberté. Au XXème siècle, surtout au sortir des deux guerres mondiales, elle est devenue la grande revendication des hommes, de tous les hommes dans tous les peuples et dans tous les domaines de leur existence : liberté morale, liberté économique, liberté sociale et politique. Les hommes ne veulent plus être conduits comme des enfants mineurs, en aucun domaine. Redoutable tentation que cette revendication, grosse de jalousie et de violence, grosse aussi du refus de toute obéissance. Y voir un signe des temps, ce n’est pas négliger ce qu’il y a là de périlleux ; c’est percevoir aussi la liberté spirituelle, celle que Dieu veut pour tous les hommes et que le Christ est venu rendre possible malgré le péché, se frayant un chemin dans la conscience souvent troublée des hommes. Double tâche pour l’Église, alors : encourager les hommes à aller au bout de ce que signifie être libre en se libérant de toute obéissance qui ne soit pas, d’une façon ou d’une autre, obéissance à Dieu ; être une communauté de liberté dans une réponse toujours plus exacte à Dieu qui révèle.
A la source de ces deux marques de temps nouveaux un fait décisif : l’incroyable efficacité de l’activité humaine. L’homme au XXème siècle ne se contente plus de supporter son sort en tâchant de l’améliorer comme il peut, parfois, souvent, au détriment des autres ; son sort, il s’en saisit et il le construit en déployant une ingéniosité inimaginable qui lui permet de façonner son destin dans tous les domaines : la politique devient une construction de la raison et de la volonté et non plus le résultat de l’histoire ; la santé devient une conquête de tous les instants et non un don du ciel assez mal partagé ; les richesses se multiplient et leur somme paraît pouvoir être partagée à tous sans que les inégalités soient la fatale conséquence de la rareté. Là encore, signe des temps car l’Église se trouve relancée dans sa mission si les hommes ne vont plus à Dieu d’abord pour faire face à leur précarité. Conviction formidable de l’Église : ce n’est pas sur la misère humaine que Dieu prospère.

Repérer les signes des temps, les « scruter » (GS 4), c’est donc pour l’Église croire que le temps n’est pas qu’un facteur d’usure, que l’histoire n’a pas à être lue comme une lente décadence depuis un sommet romantiquement situé dans le passé. C’est reconnaître « la fécondité de la durée » (Henri de Lubac). Il y avait, pour l’Église, une autre manière de regarder le temps avec confiance, c’était une tentation possible, celle du triomphalisme. Cette tentation est constante, elle avait cependant dans les années 60 une intensité particulière : alors que le premier concile du Vatican, un siècle auparavant, avait tout au plus rassemblé 7 à 800 évêques, essentiellement européens même lorsqu’ils venaient d’autres continents, 2500 Pères ont travaillé au long des quatre sessions et ils représentaient toutes les races. Sans doute les inquiétudes ne manquaient pas : les Pères étaient conscients de la progression de l’incroyance dans les pays occidentaux et l’instauration dans la moitié de l’Europe et en Chine d’un régime délibérément athée avec les souffrances qu’il provoquait marquait les esprits. Toutefois, le fait même du Concile manifestait de façon impressionnante l’universalité de l’Église, fruit du dynamisme des missions, tandis que la présence fraternelle des observateurs des autres confessions chrétiennes donnait l’espérance de l’unité visible. Jamais l’Église catholique n’avait été plus libre de réunir ses évêques sans avoir à rendre compte à aucun État. Même la « question romaine » était réglée, et finalement à la satisfaction de tous. Certains Pères pouvaient penser que la forte réitération de la vérité catholique par le collège des évêques fidèlement rangé autour du Pape aurait un effet attractif ; d’autres imaginaient sans doute que les déplacements de langage et de manières de faire que le Concile allait rendre possibles renouvelleraient les ardeurs apostoliques des chrétiens les plus engagés et faciliteraient la réconciliation avec l’Église des secteurs les plus réfractaires des sociétés. Cette tentation, Mgr de Smedt, évêque de Bruges, la dénonça avec vigueur et le Concile entier le suivit.
C’est sur un tout autre chemin, vous le voyez bien, qu’il choisit d’aller en prêtant attention aux « signes des temps ». L’Église sait bien, en effet, - elle le sait depuis toujours même s’il arrive à certains de ses membres de l’oublier -, que sa mission ne s’épuise pas dans le succès de ses missions, pas plus dans son expansion géographique que dans la force de ses institutions. Jean XXIII mourut le 3 juin 1963. Le 21, le cardinal Montini, alors archevêque de Milan, fut élu. Dès les dernières années du pontificat de Pie XII, alors qu’il n’était pas encore cardinal, avant qu’il ne fut envoyé à Milan, - et cet envoi fut compris par quelques-uns comme une mise à l’écart-, il avait été repéré par beaucoup. Son immense capacité de travail couvrait une sensibilité frémissante à tout ce qui était vivant dans l’Église et dans le monde. Lors de la première session, il avait peu parlé au Concile, mais il écrivait à ses diocésains et on devinait en lui l’esprit le mieux accordé avec l’ensemble des Pères dans leur unité complexe. Il prit le nom de Paul VI. Il se saisit de la tâche qui lui incombait : poursuivre le travail entamé, le conduire à son terme. Au cours de la séance publique de clôture du Concile, le 7 décembre 1965, il revint en termes saisissants sur le moment où le Concile avait eu lieu : « C’est, s’exclama le Pape, dans un temps que tous reconnaissent comme orienté vers la conquête du royaume terrestre plutôt que vers le Royaume des cieux. » Et plus loin, il disait encore : « L’humanisme laïc et profane enfin est apparu dans sa terrible stature et a, en un certain sens, défié le Concile. La religion du Dieu qui s’est fait homme s’est rencontrée avec la religion (car c’en est une) de l’homme qui se fait Dieu. »
Souvent traîne dans nos têtes l’idée que Vatican II aurait été un concile irénique. Il le fut en un sens, mais ces mots conclusifs de Paul VI nous montrent qu’il ne fut pas aveugle à l’enjeu spirituel considérable de ce temps. Lorsque les hommes acquièrent les moyens d’orienter leur sort, que l’humanité entière se saisit comme une et capable de construire sa demeure terrestre, alors il est plus urgent que jamais d’aider les hommes à ouvrir les yeux, à se libérer de l’illusion. Il est urgent de trouver les voies qui leur permettent de réaliser que, si grandes soient leurs forces, ils ne pourront jamais résoudre le problème humain lui-même, le mélange de grandeur et de misère qu’est l’homme. L’Église ne veut pas briser les aspirations et les énergies des hommes, elle veut plutôt les accompagner parce qu’elle reconnaît en elles un mystère, l’attente d’une grandeur et d’une intensité de vie que Dieu promet et qui dépassent tout ce que l’humanité pourra jamais se procurer. Le numéro 1 de Lumen gentium le dit explicitement : « Il faut (…) que tous les hommes, désormais plus étroitement unis entre eux par les liens sociaux, techniques, culturels, réalisent également leur unité dans le Christ ». Le signe de Jonas, ne l’oublions pas, est aussi le repentir des habitants de Ninive.

Dans ce temps-là, l’Église ose confesser la foi de toujours : Dieu est le Maître de l’histoire, le Christ Jésus en est l’Alpha et l’Oméga, et l’Église, avec sa forte structure héritée des Apôtres de Jésus, est le Peuple de Dieu, rassemblé dans l’Esprit-Saint pour former à travers l’histoire le Corps du Christ. Et afin de comprendre avec exactitude l’enseignement de ce Concile et son acuité, n’oublions pas que les membres de l’Église ne participent pas moins que les autres à l’esprit du temps. Ils ont besoin de la grâce du Christ pour vivre dans ce monde en convertissant les énergies et les désirs qu’ils y puisent.

La « vieille histoire ».

Le Concile Vatican II a enseigné beaucoup de choses. Il a précisé la structure de l’Église en décrivant avec netteté le lien du collège des évêques avec celui des Apôtres et le rapport entre le successeur de Pierre et l’ensemble des successeurs des Apôtres, ses frères. Il a magnifiquement situé les conseils évangéliques dans le dynamisme de la vie dans le Christ, il a présenté Marie en modèle et en couronnement de toute la réalité de l’Église. Il a approfondi la notion d’unité de manière à faire place à l’engagement œcuménique vers l’unité visible avec les Églises et confessions non catholiques.
Mais ce sont surtout ses enseignements concernant les liens de l’Église avec des réalités extérieures à elle qui ont retenu l’attention et étonné beaucoup, qu’ils s’en affligent ou qu’ils s’en réjouissent. Ainsi le Concile a eu l’audace de présenter les relations de l’Église avec les religions non-chrétiennes, ce qui était une manière de ne pas voir en elles que l’œuvre du diable ; il a repris la thématique de la liberté religieuse en sortant de la vielle notion de tolérance pour proclamer le droit de tous les hommes à la liberté en matière religieuse. Il a, dans la constitution Gaudium et spes, examiné l’ensemble des activités humaines en décrivant avec sympathie et encouragement les fins qu’elles poursuivent chacune.
On a pu croire qu’à travers ce triple enseignement, le Concile relativisait la fin ultime de l’homme qui est la communion avec Dieu ou négligeait l’absolu de Dieu auquel l’homme doit se soumettre. Mais c’est bien tout le contraire : chaque fois, il s’agit pour le Concile de mettre en lumière en quoi les grandes forces qui font la vie humaine sur cette terre peuvent contribuer à insérer tout homme dans l’unique destinée qui est la sienne et qui est celle de l’humanité entière. Chaque fois, il s’agit aussi pour lui de clarifier les voies par lesquelles les chrétiens peuvent servir à l’aboutissement des démarches humaines en les portant jusqu’à leur fin véritable, en les dégageant de l’enfermement du péché et sans se contenter de résultats qui ne sont que le reflet terrestre de ce à quoi Dieu dans le Christ porte les hommes.

On peut dire, je crois, que le concile Vatican II a deux pôles : l’Église et l’homme. Affirmer cela peut paraître banal. Mais d’une part, c’est situer dans cette polarité d’autres pôles possibles, les États tout particulièrement, et encore les hiérarchies dites naturelles ou les cultures ou les différentes confessions et religions. D’autre part, la force de l’enseignement du Concile tient à ceci : il met à nu la relation de l’Église, œuvre de Dieu qui, à travers l’histoire, récapitule tout dans le Christ, sans vouloir rien perdre, avec l’homme, avec chaque homme, pour qui toutes les autres créatures ont été voulues, à qui Dieu donne d’agir dans le temps pour que tout puisse être saisi dans l’éternité. Le paragraphe du discours de clôture de Paul VI dont nous avons déjà cité des extraits vaut d’être lu en son entier : « L’humanisme laïc et profane enfin est apparu dans sa terrible stature et a, en un certain sens, défié le Concile. La religion du Dieu qui s’est fait homme s’est rencontrée avec la religion (car c’en est une) de l’homme qui se fait Dieu. Qu’est-il arrivé ? Un choc, une lutte, un anathème ? Cela pouvait arriver ; mais cela n’a pas eu lieu. La vieille histoire du bon Samaritain a été le modèle et la règle de la spiritualité du Concile. »
Lorsque le Concile, dans la constitution Gaudium et spes, énonce une anthropologie, c’est-à-dire une description de l’homme tel qu’il est en lui-même, indépendamment des conditions de race, de culture, indépendamment du degré de ses facultés, il ne cherche pas une sorte de plus petit commun dénominateur sur lequel tous les hommes indistinctement pourraient s’accorder. Il montre à l’homme qui il est, pour aider l’homme à ne pas se complaire dans ses misères et à viser la splendeur où Dieu l’appelle. L’homme n’est pas une nature figée mais une capacité de tout recevoir et de tout redéployer qui lui vient de l’ouverture essentielle inscrite au cœur de lui-même que le Concile appelle « conscience » (GS 16). Pour la première fois, mais parce que le moment en était venu, l’Église décrit ainsi à la lumière de la Révélation et de son expérience historique qui est l’homme auquel il a plu à Dieu de s’adresser « comme à un ami » (DV 2).
C’est cet homme-là, l’homme à qui Dieu parle, qui connaît la tentation de l’athéisme. On a pu dire que celui-ci avait été « l’aiguillon du Concile » [1]. Car, quelques soient toutes les raisons que l’on peut y trouver, l’athéisme montre que l’homme croit devoir, croit pouvoir ou même veut tout radicalement se passer de Dieu. Toute la démarche du Concile consiste à déployer la splendeur de la vocation de l’homme telle qu’il lui est donné d’en vivre dans l’Église, en participant dès maintenant de ce que le Christ Jésus a acquis par son incarnation, sa mort et sa résurrection en faveur de tous les hommes, et telle qu’elle est annoncée déjà dans la nature même de l’homme et les liens dont il est tissé.
A propos de l’Église le Concile n’a pas cherché à dire quelque chose de nouveau. S’il a voulu apporter quelques précisions à la description de sa structure, comme dans le rapport du collège des évêques à sa tête, il a surtout voulu mettre l’Église en possession de sa nature et de sa structure propre. En mettant au cœur des préoccupations universelles l’unité du genre humain et la liberté, les « temps nouveaux » où le Concile s’est tenu offraient à l’Église une période toute particulière : pour la première fois depuis sa première croissance, il lui a été possible de se regarder telle que l’a fait la Parole de Dieu qui a pris chair en Jésus et son action à travers les cœurs. Elle s’est trouvée libérée de l’amitié encombrante des princes et des États, libérée du souci d’apporter aux nations leur consistance. Le Concile a donc pu la dégager des formes humaines de société, mais, c’est le point névralgique, non pas en l’isolant, au contraire en l’insérant dans le cours de l’histoire des hommes. Car cette histoire est dans la main de Dieu par delà toute apparence.
C’est à cette profondeur, je crois, qu’il faut entendre le thème de l’« adaptation ». Traduction imparfaite de l’« aggiornamento », ce terme est souvent retenu pour dire ce qu’a fait le Concile. On risque de n’en comprendre qu’un vague travail de réécriture du donné de la foi et de remaniement des pratiques chrétiennes pour les rendre plus recevables à l’esprit moderne. En fait, le mouvement est inverse, ou plutôt, il faut aller jusqu’au bout du mouvement ainsi ébauché : le travail qu’a lancé le Concile consiste à reprendre tout le donné de la foi pour l’affûter en quelque façon, lui rendre en nous croyants, tout son tranchant afin qu’il touche l’homme d’aujourd’hui dans les forces et les énergies et les douleurs qui le font vivre. La conviction du Concile, conviction de l’Église depuis son commencement, est que le don de Dieu transforme l’homme et toute l’humanité et l’ouvre de l’intérieur au don toujours plus grand préparé dans le Christ. C’est pourquoi l’aboutissement de la réflexion du Concile sur l’Église consiste à déterminer avec précision en quoi elle est « semper reformanda », toujours à réformer : dans l’effort constant d’adhérer à sa structure propre au service de l’unité de la charité.

Alors, propos ancien ou propos moderne ?
Propos moderne assurément, au sens historique de ce terme, au sens de la modernité du sujet. Car il fallait cette époque-là où l’homme ne tient plus d’abord par des appartenances emboîtées les unes dans les autres : la famille, le clan, la nation,… mais tient par lui-même, avec le risque pour lui de se trouver enfermé dans son irréductible solitude et de s’user à lui chercher mille compensations. Il fallait aussi sans doute l’expérience de l’asservissement toujours possible de la raison la mieux raisonnante aux forces obscures montant du fond de l’homme.
Propos ancien, bien sûr, parce qu’il correspond à une étape de l’histoire des hommes définitivement franchie maintenant. L’humanité s’éprouve extrêmement capable de se saisir elle-même comme un tout et de s’organiser, incroyablement habile à percer les secrets de la nature et à se construire elle-même, et tellement vulnérable à des remuements cosmiques qu’elle ne peut maîtriser et aux jeux contradictoires des égoïsmes et des peurs qui déchirent les hommes.
Mais propos plus ancien encore parce qu’il exprime le mouvement de l’Église depuis son commencement, celui qu’elle a reçu de son Seigneur et auquel sa structure la plus forte correspond exactement, le mouvement du service de l’homme pour lui faire percevoir la dignité que Dieu lui donne.
Propos non pas nouveau, mais neuf, toujours neuf, parce qu’il invite l’homme à se placer sans précaution mais avec toute sa liberté et donc son intelligence devant la Parole vive de Dieu. Pour cela, il désigne à l’Église sa double tâche : faire entendre cette Parole-là, en la reprenant toujours à la source, transmise par les générations qui nous précèdent mais non pas encombrée par elles ; recevoir elle-même cette Parole et lui obéir avec une exactitude généreuse.

Aujourd’hui, quarante-cinq ans après la fin du Concile, mieux que jamais nous le savons : notre force pour accomplir ce travail n’est pas à chercher dans des soutiens extérieurs, la pression sociale, la tradition culturelle, la loi de l’État. Elle est dans les ressources cachées de notre liberté habitée par la grâce, heurtée par la Parole de Dieu qui la bouscule et la mobilise, dans la communion de l’Église dans laquelle nous nous portons les uns les autres du premier au dernier des croyants et dans la charité, l’amour, qui nous fait désirer pour chacun de nos frères et chacune de nos sœurs qu’ils puissent goûter un jour la joie de la communion que nous pressentons.
Par le concile Vatican II, l’Église s’est en quelque sorte ressaisie elle-même pour agir mieux en vue de l’œuvre de Dieu. Ce qui était la grâce propre du pape Jean, un regard de jeunesse sur le monde, est devenu par le Concile le bien de l’Église universelle. Ce regard de jeunesse n’est pas un regard naïf. C’est un regard perçant, plutôt, un regard dégagé de la lassitude et des déformations qu’apportent une vie trop longue, un regard capable de repérer Dieu agissant à l’intime de l’humanité et de chaque homme et de voir comment rejoindre son œuvre pour y coopérer. Le deuxième concile du Vatican n’a pas tout dit ; ses textes ne sont pas parfaits. Cela n’a pas de sens. Mais ils ne sont pas dépassés non plus. En eux, la Tradition de l’Église, c’est-à-dire la transmission de ce que le Christ Seigneur a remis à ses apôtres, s’est exprimée et elle ne le fait pas sans l’assistance de l’Esprit-Saint. Reste à l’Église à s’en emparer, à en vivre. Reste à chaque baptisé, aux pasteurs comme aux fidèles laïcs, à entrer dans le mouvement qui lui est présenté selon son rôle propre. On se rend compte alors que ces textes suscitent bien des questions. Surtout ils invitent les chrétiens à une tâche mieux décrite en mettant sous leurs yeux les forces que Dieu leur donne. Les conférences à venir préciseront tout cela. Disons en deux mots que la grande question, -mais c’est plus qu’une question, c’est la vie de l’Église dans le moment présent -, est posée par le lien intérieur qui unifie la mission qui veut tout amener au Christ Seigneur et le dialogue qui cherche avec tous les autres les voies de la construction de ce monde. Dans sa liturgie, dans la célébration des sacrements, l’Église célèbre la victoire finale de son Seigneur et elle appelle sur l’histoire des hommes la venue de l’Esprit-Saint. Lui seul convertit les cœurs de pierre en cœurs de chair. L’Église n’a pas à se substituer à son œuvre. Elle doit la servir et en montrer les fruits.

Peut-être certains trouveront-ils que la vieille histoire du Bon Samaritain a des relents paternalistes. Qu’ils l’entendent alors comme l’entendait Origène, le premier théologien de métier. Le Bon Samaritain qui s’occupe de l’homme roué de coup et laissé à demi-mort, c’est Jésus et lui seul. L’Église est l’auberge et son aubergiste. Elle accueille celui que son Seigneur lui apporte, elle le fortifie et le nourrit, elle lui partage les biens qu’elle a reçus de lui. Mais le seul qui sauve, c’est le Crucifié ressuscité qui agit par son Esprit au cœur de tous les hommes, comme il le veut, et qui les conduit, par des chemins qu’il choisit, vers la Charité éternelle.

Il y a deux pôles dans les textes du Concile, l’Église, œuvre de Dieu par le Christ à travers l’histoire, et l’homme dans le secret de sa liberté récalcitrante travaillée pourtant par la grâce. Mais ces deux pôles baignent l’un et l’autre dans l’attraction du Sauveur. La mission de l’Église est de célébrer son Époux avec patience et persévérance par sa prédication et par ses œuvres et d’accueillir avec confiance tout ce qu’il lui donne à vivre. Qu’il en soit béni.

[1cardinal KÖNIG, cité par HENRI DE LUBAC, Athéisme et Sens de l’homme, dans Œuvres complètes, tome IV, Paris, Éditions du Cerf, 2006, 412

Conférences de Carême à Notre-Dame de Paris 2010 : “Vatican II, une boussole pour notre temps”