« Pour pouvoir recevoir, il faut se rendre disponible »

Paris Notre-Dame du 3 décembre 2020

La liturgie nous propose de vivre un mois d’attente avant de célébrer la naissance de Jésus. Et si ce temps nous permettait d’envisager l’attente comme un moment où Dieu creuse le cœur, le prépare à accueillir ce qu’il veut lui donner ? C’est le regard que pose aujourd’hui la fondatrice d’Isha formation, Claire de Saint Lager, auteur du livre sur le célibat qui se prolonge, Comme des colonnes sculptées [1].

Claire de Saint Lager
© Marie Gagneur

Paris Notre-Dame – La période de l’Avent s’est ouverte dimanche dernier. Que signifie pour vous ce temps ?

Claire de Saint Lager – Je suis née le jour de Noël. L’Avent est donc un temps très particulier pour moi. Je pense souvent à ma mère qui était dans son dernier mois de grossesse et à la Vierge Marie qui a dû vivre ce même moment, un moment marqué à la fois par la lumière de cet être donné et par la fatigue de l’attente. Ce mois de décembre signe également la fin de l’année calendaire. Nous entrons dans l’hiver, l’atmosphère est plus sombre. Je vois donc ce temps comme la lumière qui luit dans les ténèbres.

P. N.-D. – L’Église a instauré ce mois d’attente avant de célébrer Noël. Comme si l’attente était nécessaire pour l’homme avant de recevoir Jésus…

C. S. L. – Nous avons souvent du mal à recevoir les dons de Dieu. Comme si nous étions trop remplis. Pour pouvoir recevoir, il faut se rendre disponible. Il y a comme un vide à faire. Se laisser creuser, ouvrir les mains. Ce temps de l’Avent peut ainsi être considéré comme un moment pour se rendre peu à peu présent à ce qui nous sera donné à Noël. Un peu comme une mère avant l’accouchement est dans les derniers préparatifs, nous pourrions nous disposer, intérieurement, à recevoir Jésus. Les rituels et les traditions – préparer la crèche, décorer sa maison, cuisiner de bons gâteaux… – peuvent nous y aider.

P. N.-D. – Vous écrivez dans votre livre que l’attente, vécue par exemple dans le célibat qui se prolonge, est un temps aussi où Dieu « sculpte ses filles pour orner ses palais et où il enracine ses fils »…

C. S. L. – Ce qui est délicat, c’est que ce temps reste un temps de souffrance. Il y a un mystère dans l’attente. Et, en même temps, il y a cette tentation de vouloir remplir ce moment. Mais il est aussi offert pour vivre un cœur à cœur avec le Seigneur, pour se rencontrer avec soi-même, ce qui permettra d’accueillir un amour. Il nous renvoie à nos ressources profondes en invitant à nous sortir de toute dépendance affective (amoureuse mais aussi amicale). Plus nous prendrons le temps de ces rencontres, plus nous serons capables, je crois, d’accueillir l’autre de façon juste. Trop souvent nous sommes dans la hâte. Nous ne prenons pas le temps de contempler la personne qui nous est donnée. En ce temps de l’Avent, prenons le temps de contempler l’enfant à naître, la beauté de ce mystère de l’Incarnation, de contempler Joseph et Marie qui n’ont cessés d’être bousculés dans leur attente de Jésus.

P. N.-D. – C’est aussi une épreuve de foi et de confiance…

C. S. L. – Pensons à la souffrance que Joseph a dû vivre avant de recevoir la visite de l’ange. Le P. Maurice Zundel a cette analyse : c’est comme si Joseph devait renoncer à Marie pour pouvoir la recevoir. Comme s’il fallait passer par le mystère de la pauvreté pour recevoir le Christ. Joseph et Marie l’ont vécu, et dans leur chair : dans leur réalité, dans leur amour de couple. Tout a été bousculé. Mais ils sont restés disponibles à ce qu’ils vivaient. C’est très dur à vivre pour soi. La confiance ne se décrète pas. Il faut avoir thésaurisé ces moments où on a reçu l’amour pour pouvoir y entrer. Là, l’Église a un rôle, à travers notamment l’accompagnement spirituel. Aider chacun à déceler, goûter et savourer l’amour particulier de Dieu pour lui. Et ce, afin d’entrer dans la confiance.

Propos recueillis par Isabelle Demangeat @LaZaab

[1Comme des colonnes sculptées, Claire de Saint Lager, éd. Emmanuel, 2020, 176 pages.

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