Regards croisés sur la Lettre pastorale

Paris Notre-Dame du 30 septembre 2010

Extraits du dossier de Paris Notre-Dame du 30 septembre 2010.

Bénédicte Lucereau,
conseillère conjugale et familiale au cabinet “Mots croisés”

« Dans mon métier, je vois à quel point la famille et les couples sont malmenés. Quand les enfants ne vont pas bien, c’est souvent le symptôme d’un mal-être conjugal des parents. Lorsqu’ils souffrent, les couples, les parents, les jeunes, mais aussi les célibataires, s’isolent, se sentent exclus et ont peur du jugement des autres. Car il y a cette idée, dans l’Eglise, qu’il faudrait être parfait : le mythe de la famille où tout le monde s’entend bien ! Dans la lettre de Mgr André Vingt-Trois, je lis un appel à ce que les paroisses se mobilisent pour créer des lieux d’accueil, de paroles et de formation pour eux. Son message est une espérance ancrée dans la réalité : il rappelle que les conflits sont inévitables, que les difficultés ne veulent pas dire que tout est foutu, et que l’échec n’est pas la fin de tout.

J’ai apprécié qu’il insiste aussi sur la place à donner à ceux qui vont bien. Il les appelle à se mobiliser car ils ont un rôle vital à jouer, même s’ils peuvent parfois se sentir coupables d’aller bien. Mais ce bonheur est une grâce de Dieu, dont ils ont à témoigner. Ils sont les exemples vivants que l’amour selon le plan de Dieu est possible, qu’une sexualité épanouie existe, qu’une famille qui s’aime structure la liberté des jeunes.

Au quotidien, dans mon travail, j’aime renvoyer vers les propositions des paroisses. Nous accompagnons chacun dans notre domaine, en complémentarité, mais nous avons besoin d’un vivier d’initiatives pour accueillir ces personnes. Car la disponibilité gratuite qu’offre l’Eglise est essentielle pour l’épanouissement de tous. »

Christophe et Sophie,
mariés, parents de quatre enfants, paroissiens de St-Augustin (8e)

« Nous sommes heureux que cette lettre se penche sur ce sujet primordial que sont la famille et la jeunesse. Dans un monde souvent défaitiste et négatif, il est très important de donner ainsi un élan, une espérance. Ce qu’écrit le cardinal André Vingt-Trois tire chacun d’entre nous vers le haut. Cela nous conforte dans l’idée qu’il faut se donner les moyens d’agir de façon concrète.

A un niveau personnel, c’est en toute humilité, selon notre vécu et nos aspirations, que nous sommes interpellés plus particulièrement par certaines questions soulevées dans cette lettre. Elle nous pousse à réagir, à rebondir. Le rôle que peuvent avoir les paroisses dans le soutien aux familles et l’éducation des plus jeunes nous touche particulièrement. Elles réunissent des personnes aux compétences complémentaires (prêtres, diacres, laïcs) que ce soit en termes de fonctions ou d’âges, qu’elles peuvent mobiliser pour développer des actions concrètes dans l’éducation de nos enfants. Cela peut se faire en leur sein, même si cela n’a pas été vraiment le cas pour nous (le scoutisme l’a été davantage). Mais le champ d’action paroissiale, bien qu’essentiel, est par définition surtout limité aux catholiques pratiquants. C’est pourquoi d’autres terrains de mission doivent être investis de façon plus importante, l’enseignement catholique notamment. Nous pensons qu’il y a une complémentarité paroisse/école à développer, afin de faire grandir nos enfants dans l’amour de Dieu pour qu’ils deviennent à leur tour des porteurs d’espérance. Ils seront les éducateurs chrétiens de demain. »

Jean-Marie et Anouk,
mariés, sept enfants, et cinq petits-enfants, paroissiens à St-Séverin (5e)

« La première chose qui nous a séduits dans cette lettre pastorale, c’est l’articulation entre la famille et la jeunesse. Allier ces deux notions parfois opposées – l’une incarnant une certaine stabilité, l’autre un renouvellement et, parfois, une opposition – permet de s’inscrire dans le temps avec, comme point d’horizon, l’avenir que représente la jeunesse. C’est un texte qui réussit à être à la fois accessible et très profond. Il demande aux catholiques de prendre en compte et de porter la vérité de l’engagement conjugal et familial.

Le cardinal André Vingt-Trois adresse un message très réaliste. Il constate les fragilités et les échecs qui peuvent exister, tout en soulignant l’actualité du désir largement partagé de réussir sa vie familiale et conjugale avec, comme base, le mariage en tant que sacrement agissant, à la fois invitation divine et chemin d’épanouissement.

Un autre aspect qui nous interpelle beaucoup dans ce texte est son refus de la fatalité. Face aux difficultés, il invite chacun à jouer son rôle, à se responsabiliser en disant « C’est à vous de jouer » que ce soit au sein de notre famille ou à travers des actions concrètes dans nos paroisses selon leurs spécificités propres. C’est une vraie invitation. Il exprime la possibilité d’agir et encourage les parents dans leur mission au quotidien. D’une façon très pratique, par exemple, à une époque où l’on constate souvent une crise de communication dans la famille, il plaide pour le dialogue et invite à accepter le conflit.

Personnellement, nous sommes aussi touchés car cette lettre pastorale témoigne d’une reconnaissance que la foi doit s’incarner, qu’elle se vit dans notre vie quotidienne et donc dans la famille. »

Charles,
étudiant et chef scout, paroissien de St-Germain des Prés (6e)

« La lettre pastorale de Mgr An­dré Vingt-Trois commence par un tableau contrasté de l’état actuel de la société, très proche de la réalité. Dans ses mots, j’ai senti un souffle ravivé, qui appelle à repartir en mission. Mais je ne peux m’empêcher de craindre que celui-ci ne s’essouffle. La société que je vois se développer autour de moi, et l’avenir qui en découle, me paraissent encore plus sombres que les décrit le cardinal. Quand je vois que le bien-être de mes pairs – et même le mien – peut se résumer à avoir l’Ipod le plus high-tech, je me sens littéralement submergé.
Toutes les lettres du monde ne suffiront pas à toucher tous les jeunes. Mais celle-ci, je la reçois comme une lettre cadre, un ordre de mission. Quand l’archevêque insiste sur « l’Amour et la Famille », je comprends qu’il me rassure : s’engager pour le vrai, pour le message du Christ, ce n’est pas vain et cela a du sens. On peut alors expérimenter le bonheur plein, même si ce n’est pas évident. Car, pour être capable d’en témoigner, il faut l’avoir vécu. A mon sens, le scoutisme est une éprouvette parfaite. Un instant léger autour du feu, un moment de fraternité en pleine forêt : mes jeunes comprennent alors que ce bonheur ne s’achète pas. Ils doivent éprouver ce sentiment fort et gratuit, obtenu non par “l’avoir” mais par “l’être”, pour pouvoir ensuite en témoigner. » • Propos recueillis par Sophie Lebrun et Pierre-Louis Lensel


 Lire la lettre pastorale du cardinal André Vingt-Trois “La famille et la jeunesse : une espérance !”.

Paroisses en mission – Famille et Jeunesse (2010-2011)