Un mémorial pour les victimes de la Covid-19

Paris Notre-Dame du 20 mai 2021

L’église St-Sulpice, en plein cœur de Paris, accueille depuis deux semaines le premier mémorial dédié aux victimes de la Covid-19, alors que le seuil des 100 000 morts a été franchi le 15 avril dernier. Une initiative menée par la paroisse et le collectif Tenir ta main afin d’honorer ces défunts.

© Charlotte Reynaud

Sous les voûtes sombres de la chapelle St-Paul brûlent quelques lumignons. Ils éclairent une dizaine de photos d’anonymes : des pères, des mères, des proches emportés par l’épidémie de la Covid-19. Pour honorer ces morts et réconforter les familles endeuillées, la paroisse St-Sulpice (6e) et le collectif Tenir ta main ont créé le premier mémorial des victimes de la Covid-19 en France. La chapelle a été spécialement aménagée avec deux petites tables et trois grands panneaux pour accrocher des photos. Devant la chapelle, une grande affiche propose plusieurs démarches pour se recueillir : déposer des fleurs, accrocher une photo, écrire son témoignage, brûler un cierge, prier à l’aide d’un petit fascicule proposé par la paroisse, rencontrer un prêtre, etc. « Notre projet, c’est que chaque personne, croyante ou non, puisse trouver ici un lieu de recueillement », confie le P. Henri de La Hougue, curé de la paroisse. En témoigne le choix des citations, volontairement hétéroclites, qui ornent les panneaux : un verset de l’Évangile (Jn 11, 25), une citation d’Albert Camus et un précepte de sagesse populaire : « Un monde sans mémoire est un monde en danger. »
L’initiative du mémorial vient de Laurent Fremont qui a perdu son père, hospitalisé, il y a quelques mois. Privé de visites, il n’a pas pu lui dire au revoir de son vivant, ni même le revoir une dernière fois : le médecin a coché la case « mise en bière immédiate ». Son père n’a eu droit ni aux derniers sacrements, ni aux rites funéraires. Des témoignages comme le sien, Laurent Fremont en reçoit par milliers depuis qu’il a fondé le collectif Tenir ta main avec la comédienne Stéphanie Bataille en mars 2021. Leur objectif est d’alerter l’opinion publique, de faire évoluer la loi en faveur d’un droit de visite et de soutenir les familles endeuillées, en proposant des aides juridique, psychologique, et un lieu de recueillement. « Ce mémorial, explique-t-il, c’est aussi une manière de ne pas oublier, et de mettre des visages sur le nombre de morts : derrière tous ces chiffres, il y a des vies. Et au-delà de tous nos drames personnels, nous voulons aussi alerter sur un vrai problème de notre société qu’est la place de la mort. »
Comme prêtre, le P. de La Hougue est le témoin direct de ces deuils vécus de manière traumatique : « Beaucoup de gens sont marqués à vie par un décès trop brusque. Faire mémoire, cela permet d’abord de retrouver une certaine forme de dignité. Cela permet aussi de revivre le départ du proche en prenant le temps, contrairement au moment du décès souvent très violent. C’est aussi le seul moyen de se réconcilier avec la personne disparue, car il n’y a pas de pardon possible dans l’oubli. » La paroisse est impliquée dans ce mémorial : chaque dernier vendredi du mois, une cérémonie est célébrée en mémoire des victimes. Pure coïncidence, la chapelle St-Paul marque la Xe station du chemin de croix. On peut lire gravé dans la pierre : « Jésus dépouillé de ses vêtements »… comme un écho à ces défunts privés des derniers rites funéraires, de toilette mortuaire et, pour certains, dépouillés de leurs vêtements.

Charlotte Reynaud

Articles
Contact

Paris Notre-Dame
10 rue du Cloître Notre-Dame
75004 Paris
Tél : 01 78 91 92 04
parisnotredame.fr

Articles