L’Église au service de la santé

Paris Notre-Dame - 26 avril 2018

Paris Notre-Dame du 26 avril 2018

Le 26 mai, au Collège des Bernardins, se tiendra un colloque organisé par le diocèse de Paris, sur la place de l’Église dans le monde de la santé. Quel rôle peut-elle jouer dans le système de santé, et quels sont ses atouts ? Les explications du Dr Jean-Louis Bavoux, délégué de l’archevêque pour les établissements hospitaliers catholiques, et de Benoît Péricard, ancien directeur de l’Agence régionale d’hospitalisation des Pays de la Loire, qui participent au colloque.

Paris Notre-Dame – Y a-t-il encore un avenir pour les établissements catholiques de santé ? Et en quoi se distinguent-ils des établissements publics ?

Dr Jean-Louis Bavoux – Les établissements hospitaliers catholiques parisiens conservent, aujourd’hui encore, une aura particulière, car ils restent des établissements de prestige : l’hôpital Paris Saint-Joseph (14e), d’inspiration catholique, est plus important que l’hôpital européen Georges-Pompidou (15e) ; Sainte-Félicité (15e) est une maternité de référence. La Maison médicale Jeanne Garnier (15e) est le plus gros centre de soins palliatifs de France. Mais, face aux exigences de rentabilité et d’efficacité qui régissent aujourd’hui la politique de santé publique, l’heure est au regroupement et à la fusion. Je pense donc que l’avenir de la médecine dite chrétienne – le service rendu par l’Église au secteur de la santé – ne peut résider dans ces gros établissements. L’Église doit inventer autre chose, afin de répondre à un problème qui, pour moi, est fondamental : celui de la déshumanisation de la relation patient-soignant, liée au développement des soins ambulatoires. Par le biais d’initiatives locales et paroissiales, l’Église doit permettre de redonner vie à la relation humaine.

Benoît Péricard – Jusqu’au milieu du XXe siècle, il y avait, dans chaque canton, un hôpital, une clinique, ou un centre de soins géré par une congrégation. Ce qui explique sans doute pourquoi il n’y a pas eu de regroupements, comme dans d’autres sphères, ce qui a fragilisé ces établissements. Aujourd’hui, le secteur de la santé pourrait parfaitement fonctionner sans les hôpitaux catholiques pour les soins dits aigus ou MCO – maternité, chirurgie, obstétrique. En revanche, si on prend la santé dans une acception plus large, c’est-à-dire en incluant le soin de suite, le médico-social – avec ses deux grands piliers que sont le handicap et les personnes âgées – cela serait quasi-impossible. Là encore, la place des congrégations, mais aussi des établissements d’inspiration catholique, est très majoritaire. Et c’est dans ce secteur de l’environnement du soin, dont la Maison Jeanne Garnier est un symbole fort, que l’Église a le plus à apporter.

P. N.-D. - En quoi ces établissements sont-ils catholiques ?

J.-L. B. – Ils le sont déjà à différents titres. Certains sont d’inspiration catholique, d’autres sont encore tenus par des congrégations religieuses, etc. Et cette variété de statuts entraîne des prises de position différentes dans certains domaines. C’est pourquoi je voudrais que, dans ce colloque, nous abordions un sujet fondamental qui est la clause de conscience. Elle n’est pas inscrite dans les textes, mais cela serait bien qu’elle le soit un jour. Je pense d’ailleurs que c’est la seule réponse au débat sur la bioéthique. Car si les catholiques ne sont pas là pour empêcher quoi que ce soit, ils ont quelque chose à dire, un esprit à insuffler. La clause de conscience joue ici comme un rempart : un médecin ne doit pas se voir imposer un geste, certes légal, mais qu’il considère, lui, comme contraire à son éthique.

B. P. – Cette clause est similaire à la clause de conscience des journalistes : on ne peut pas obliger quelqu’un à faire quelque chose qui est contre sa conscience, tout simplement. Dans les responsabilités que j’ai exercées, j’ai pu observer que les établissements de soins peuvent être aussi de gigantesques usines à acharnement thérapeutique. Et avant même de parler d’euthanasie, je pense qu’il faut déjà parler de juste soin. À Nancy (Meurthe-et-Moselle) par exemple, le centre hospitalier possédait deux services de réanimation. La durée de vie dans l’un était quasiment le triple ou le quadruple de l’autre. Avec des médecins qui avaient la même qualification mais pas la même attitude. Et la loi Leonetti, là-dessus, n’a rien tranché. Car, au-delà des textes, se pose la question de la pratique médicale, qui peut être très diverse. Mais d’autres questions se posent également pour ces établissements hospitaliers, qui sont celles de la bienveillance ou de la « bien-traitance ».

P. N.-D. – Il existerait une façon de soigner différente dans les établissements catholiques ?

B. P. – Si on admet que le soin est plus que le cure (la guérison), et entre dans le domaine du care (prendre soin), oui. Or, on sait parfaitement aujourd’hui que la résultante d’un soin dépend, pour partie de l’acte technique, et pour partie de l’accompagnement du patient. L’un ne va pas sans l’autre, en particulier pour la fin de vie. Un engagement qui va, sans doute, plus naturellement de soi dans un établissement catholique. Le rôle des aumôneries est, là aussi, essentiel. Elles mériteraient d’ailleurs un investissement financier plus important.

J.-L. B. – Avec le développement des soins en ambulatoire, il va falloir que nous inventions de nouvelles pratiques, afin de prendre en charge les personnes esquintées. En s’appuyant pour cela sur les aumôneries, les paroisses et les généralistes.

P. N.-D. – Est-il impératif que l’Église accompagne l’évolution des soins ?

J.-L. B. – Absolument, car nous sommes au service. Il nous faut inventer de nouvelles formes de présence à la personne, afin de s’investir auprès de ceux qui ne sont plus pris en charge par ces gros ensembles hospitaliers qui, certes, travaillent très bien, mais laissent dans la nature des malades qui ont besoin d’être accompagnés.

B. P. – Parmi les exemples de ce que pourrait être cette nouvelle forme de prise en charge, citons Visitatio, une association de soins palliatifs à domicile (voir encadré). François Génin, à l’origine de ce projet, sera présent au colloque. Cette initiative a été lancée par de paroissiens il y a près de deux ans dans les Hauts-de-Seine. Des personnes pétries de foi, avec des convictions fortes et qui souhaitent se mettre au service des autres. Il doit exister ainsi une palette de solutions diverses, avec des niveaux d’engagement différents. La priorité pour l’Église est, désormais, dans les interstices ! Le pape François parlerait de périphéries, mais c’est exactement la même chose. Dans un système de plus en plus performant, mais qui pèche souvent par manque d’attention, nous avons un rôle à jouer, afin de ne pas laisser les malades seuls face à leur détresse. • Propos recueillis par Priscilia de Selve

Des soins palliatifs à domicile

Fondée en 2017, l’association Visitatio développe des soins palliatifs à domicile afin d’accompagner les personnes en fin de vie. Quarante bénévoles et cinq soignants sont aujourd’hui engagés sur deux sites pilotes dans les Hauts-de-Seine, à Boulogne-Billancourt (paroisse Ste-Cécile) et La Garenne-Colombes (paroisse St-Urbain).
Pour plus d’informations : visitatio.org

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